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Ethnoquoi?Anthropoqui?

  • Photo du rédacteur: parmontsetparmots
    parmontsetparmots
  • 5 déc. 2017
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 mars 2019


Aujourd'hui, profitons de ce que l'écriture de mon prochain article sur le Japon n'avance pas, pour faire une pause "culture générale".


Je vais disserter ici sur un sujet bien spécifique, pour vous permettre de mieux comprendre la démarche de ce blog. Parce que vous trouverez ici plus volontiers des articles sur les mœurs locales que sur les paysages observés, et que vous avez le droit de vous demander pourquoi. (Non, le fait que je sois nulle en photographie et en randonnée ne sont pas les seules raisons!)


C'est bon, vous êtes bien installé-e? Alors c'est ti-par!


Peut-être que vous faites parti-e-s, vous aussi, de ces gens un peu trop réceptifs à l'apprentissage scolaire. Par exemple, avant les cours de français académiques, quand vous lisiez un livre, vous lisiez simplement un livre. Dorénavant, vous entendez les voix de Mme Rabajoidénoi, votre prof' de français de 1ère ou de Mr Naphtaline, maître de conférence, vous souffler "quel est le champ lexical dominant ?" ou "Quel est l'intention de l'auteur en mettant une virgule à cet endroit-là?"


Bon, c'est vrai, ça a affuté votre réflexion et développé votre vocabulaire (vous savez ce que veut dire "galimatias", vous) mais parfois vous aimeriez bien apprécier votre Harlequin sans remarquer que dans "le feu glacé qui couvait au creux de ses hanches", il y a un oxymore, ou que " l'épée est sortie de son fourreau" est une périphrase chevaleresque et usée du sexe masculin ( l'appendice corporel, pas l'être humain).


Moi, non seulement je ne lis plus comme avant mais ma façon de voyager a changé également, depuis des études d'anthropologie beaucoup trop intéressantes et un système universitaire un peu trop formatant. Je me suis ainsi rendue compte que je voyage, observe et transcris dans ce blog comme si je faisais une ethnographie des sociétés que je visite.


Je vous propose donc une (petite, promis) parenthèse d'explication sur ce grand mot utilisé plus haut "ethnographie", qui ne va d'ailleurs pas sans "anthropologie" ou même "ethnologie". Ni sans "voyage".

L'ethnographie mais qu'est-ce donc?


L'ethnographie, c'est la méthode d'enquête utilisée en ethnologie.


... Vous voilà bien avancé hein? Et si je vous dis que l'ethnologie, c'est aussi l'anthropologie sociale et culturelle, selon que vous soyez dans un pays anglo-saxon ou non, ça vous aide ? Pas vraiment? Bon, pas de panique, c'est en fait assez simple:


- L'anthropologie est le terme générique pour désigner la science qui étudie l'Homme avec un grand "H" dans tous ses aspects (le terme grec "anthrôpos" signifie simplement « homme » au sens d être humain). Elle va ainsi s’intéresser à tout ce qui est produit par ou spécifique à l’être humain : le langage, le corps, l’habitat, l’art, le système religieux, politique, social...

- Il y a donc différentes branches de cette science humaine et sociale, parmi lesquelles l'anthropologie sociale et culturelle, aussi appelée ethnologie donc. Les deux termes n'ont pas toujours été synonymes, ils ne le sont d'ailleurs toujours pas exactement. Enfin, c'est compliqué quoi. Si vous êtes curieux/avez du temps, la page Wikipedia est vraiment intéressante (et juste!) à ce sujet. Ces disciplines vont s'intéresser particulièrement aux structures sociales et institutionnelles d'un groupe humain.

- Pour observer et recueillir des informations, le chercheur va mener l'enquête directement sur le terrain: il va participer aux activités, interroger les membres du groupe, peut-être même vivre avec eux. C'est ce qu'on appelle l'observation participante. Pour que cette investigation devienne une véritable ethnographie, il faut que l'ethnologue transcrive ce qu'il a perçu, vu et entendu, tout en proposant des hypothèses et interprétations, le tout dans un contexte bien défini.


EN BREF: L'anthropologie est une science de l'être humain, par essence comparative, qui permet de faire émerger à travers des particularités de sociétés humaines, identifiées notamment grâce à l'ethnographie, des traits communs à l'Homme.


Ok, mais quel rapport avec la choucroute/le blog?


Comme dit plus haut (vous suivez toujours?), je me suis rendue compte que mon regard et mon comportement en voyage cherchent à s'inscrire instinctivement dans une démarche ethnographique.

Je veux comprendre la hiérarchie et les interactions sociales. Je veux connaître le sens donné aux institutions sociétales telles que la Famille, l’École, le Travail, la Religion. Je veux apprendre ce que révèle la place donnée aux arts dans cette société-là.


Et pour appréhender toutes ces dimensions, je vais essayer dans la mesure du possible de mettre en pratique les préceptes de l'observation participante: je cherche à vivre le plus possible avec les locaux, sans pour autant essayer de me comporter comme une locale. Je garde toujours à l'esprit, par respect, que je suis comme une invitée, pas forcément prévue d'ailleurs, et adapte mon comportement en fonction. J'essaye alors très fort d'avoir une attitude compréhensive, telle que décrite par le sociologue cité par tous à torts et à travers (non pas BHL, c'est un "philosophe", mais Pierre Bourdieu) dans sa postface à La misère du monde. Il écrit: « La disposition accueillante, qui incline à faire siens les problèmes de l’enquêté, l’aptitude à le prendre et à le comprendre tel qu’il est, dans sa nécessité singulière, est une sorte d’amour intellectuel. » (p.914). C'est beau hein?


En sociologie, comme en anthropologie, le chercheur ne doit pas arriver sur le terrain en mettant en avant ses préjugés et ses questions. Ça, c'est plutôt l'attitude d'un mauvais touriste. Nos idées, nos suppositions, vont évoluer au fil des observations et des informations que l'on recueille. Et c'est ça qui est bien, la surprise, l'étonnement, la bousculade de nos "je croyais que..."

Donc avant d'arriver dans un nouvel endroit, j'essaye de regarder bien en face mes préjugés, de les mettre ensuite dans un petit coin de ma tête, et de me laisser mener par la vie sur place. Au cours de mon périple, je collecte précieusement les informations qui comme des pièces dans un puzzle, s'assembleront petit à petit pour former un ensemble cohérent. Il y aura sûrement des pièces manquantes, des questions sans réponses. Mais surtout des nouvelles - idées, interrogations, compréhensions.


Finalement, le voyage c'est le mouvement du corps mais aussi de l'esprit.


De rien, j'aime partager.


Un peu de lecture pour voyager sans bouger


Pour ouvrir vos horizons, (et si vous avez lu jusque là!) je vous propose ici quelques livres et articles qui se lisent comme des romans (comprendre: qui ne sont pas remplis d'un jargon incompréhensible pour le néophyte). Pas de Lévi Strauss, mais un choix subjectif assumé d'anthropologues d'hier et d'aujourd'hui qui abordent des thématiques qui me touchent, le tout avec bienveillance (ça veut dire sans jugement et c'est pas un gros mot ni un bobo mot).

  • Mary Douglas, De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou (1ère parution: 1967)

Un ouvrage qui se lit comme une compilation de contes (contes puisés dans la Bible ou les sociétés dites "primitives"). L'autrice y montre que la saleté ne dépend pas exclusivement de considérations sanitaires ou hygiéniques, mais bien plutôt de visées morales et symboliques. Définir le propre et le sale, c'est ainsi ordonner le monde, tracer des frontières, (tenter de) construire du sens à partir du chaos, et par là, instaurer une forme de contrôle et de hiérarchisation de ce qui est impur, souillé et de ce qui est pur et donc digne d'être dans la société.



  • Françoise Héritier, « Quel sens donner aux notions de couple et de mariage ? à la lumière de l'anthropologie », Informations sociales, vol. 122, no. 2, 2005, pp. 6-15. https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-2-p-6.htm

Vous avez dû entendre parler de Françoise Héritier dernièrement puisqu'elle vient de décéder. A côté de cette actualité, elle était aventurière, anthropologue, autrice, et féministe. Les questions du genre, de la féminité et de la masculinité traversent tout particulièrement son œuvre, bien avant qu'ils ne deviennent aujourd'hui des sujets sociétaux. Elle intéressait autant les Chiennes de garde que les lecteurs-rices du Figaro par sa façon d'amener avec raison et patience ces sujets pourtant sensibles. Et elle était détestée par certain-e-s de l'extrême-droite et par les pro-race blanches pour sa tolérance et son envie d'ouverture au monde et d'égalité. Elle est donc d'urgence à découvrir autant à travers ses interviews que par ses écrits.


disait-elle.


  • David Le Breton, « Le silence et la parole des dernières heures », Jusqu’à la mort accompagner la vie, 2013/2 (n° 113), p. 11-19. URL : https://www.cairn.info/revue-jusqu-a-la-mort-accompagner-la-vie-2013-2-page-11.htm ou encore « Se reconstruire par la peau. Marques corporelles et processus initiatique », Revue française de psychosomatique, 2010/2 (n° 38), p. 85-95. DOI : 10.3917/rfps.038.0085. URL : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychosomatique-2010-2-page-85.htm

Anthropologue contemporain, David Le Breton s'est spécialisé dans les questions autour de l'adolescence, puis de là s'est intéressé au corps et aux émotions. J'ai eu la chance d'étudier son travail, réellement passionnant, plein d'une sympathie respectueuse pour ses objets de recherche, les humains. Ayant assisté à une conférence informelle de sa part, je confirme que nous avons là une belle personne, passionnée et passionnante, désireux de comprendre et de transmettre. En bref, mon cœur fond et mon esprit s'élève. Rien que ça.





Références utilisées pour l'article:

  1. Marc Augé et Jean-Paul Colleyn, l’Anthropologie, coll. « Que Sais-je ? », PUF, 2009

  2. Pierre. Bourdieu, La misère du monde, Seuil, 1993

  3. Agnès Van Zanten, « Ethnographie », Sociologie [En ligne], Les 100 mots de la sociologie, mis en ligne le 01 mars 2013. URL : http://sociologie.revues.org/1767

  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropologie#

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